vendredi 22 juin 2012

Pascal Garnier ou l’art de la décadence

Cher Pascal Garnier,

Bien que je sache que vous ne pourrez lire cette missive, si ce n’est de l’au-delà*, je me permets malgré tout de vous écrire une déclaration d’amour. Je sais, j’y vais sans doute un peu fort car il s’agit essentiellement d’un coup de foudre pour vos romans plus que pour votre personne ; je n’ai malheureusement jamais eu la chance de croiser votre chemin. Vous pourriez me rétorquer, à juste raison, que j’aurais pu vous lire plus tôt ! Que voulez-vous, il y a des moments pour tout et lire des romans noirs et amers comme les vôtres exige d’être dans de bonnes dispositions (évitons d’accumuler les petits coups de blues à chaque page tournée !).
On vous a souvent comparé à Simenon, je me permets de ne pas être tout à fait d’accord. Les personnages de ce grand auteur ont tout de même le don d'exaspérer: pas un pour rattraper l’autre, victime ou bourreau, ils sont tous aussi antipathiques ! Non, avec vous, c’est différent. Vos personnages, on les aime, ils nous touchent, nous émeuvent même lorsqu’ils se révèlent finalement cinglés ou tueurs en série. Cela peut se révéler quelque peu inquiétant mais finalement, vous savez rappeler que chez chacun se cache une face sombre qui ne demande parfois que des circonstances particulières pour se révéler.



Je vous ai donc approché en douceur avec La théorie du Panda: premier essai, premier éblouissement pour ce Gabriel, doux et discret qui console et apprivoise en faisant la cuisine aux âmes perdues. Deuxième essai, enchainé à la suite, Lune captive dans un œil mort , décor de paradis en toc pour personnes âgées qui finissent par déraper. Et le troisième, Comment va la douleur ?  ou l’apprivoisement tranquille entre Simon, tueur à gage, et Gérard, doux et simplet, deux êtres on ne peut plus dissemblables. Des gens (presque) ordinaires dont on apprend à suivre le quotidien d’un regard bienveillant. Au début, on ne se méfie pas, on sourit à votre humour grinçant puis lorsque tout part en sucette, on sort de vos romans abasourdi. Pour moi qui aime les surprises, vous lire est un bonheur, forcément !
Je ne peux donc prétendre être une spécialiste de votre œuvre, je n’en ai lu que 3 alors qu’il existe une soixantaine de vos livres éparpillés entre littérature adulte et jeunesse. Mais sachez que j’ai déjà préparé une étagère dans ma bibliothèque personnelle à votre intention. Evidemment, comme cette dernière déborde, Gaiman (Neil de son prénom) n’a cessé de me maudire, invoquant toutes les mythologies qu’il connaissait, pour souligner que ses romans étaient serrés comme des sardines et Gary (Romain), déchu de son perchoir, s’est retranché dans le silence. Mais quand on aime... n’est-ce pas ?
Bref, cher Pascal (vous permettez que je vous appelle Pascal ?), vous et moi, c’est pour la vie !
Au plaisir de vous relire,
Maud
PS: Parce que votre vie pourrait être un roman, voici votre biographie par vous-même chez votre éditeur en titre, Zulma
*Pascal Garnier est décédé le 05 mars 2010