jeudi 27 octobre 2011

Berthe Morisot

« Avec des natures comme celles de vos filles, ce ne sont pas des petits talents d’agrément que mon enseignement leur procurera ; elles deviendront des peintres. Vous rendez-vous bien compte de ce que cela veut dire ? Dans le milieu de la grande bourgeoisie qui est le vôtre, ce sera une révolution, je dirais presque une catastrophe. » C’est ainsi que le professeur d’Edma et Berthe Morisot tenta de prévenir leur mère de la destinée qui les attendait, il aura raison pour l’une d’elle.


Portrait de Berthe Morisot étendue, Edouard Manet -1873

Berthe Morisot, troisième fille d’un préfet, nait en 1841. Les premières leçons de dessin des sœurs commencent en 1855, pour faire un cadeau à leur père. Berthe s’engage bien vite dans cette voie bien que les ateliers soient interdits aux femmes à l’époque. Seul le Louvre reste un endroit convenable pour s’exercer jusqu’à leur rencontre en 1860 avec Corot, maître du plein-air, qui devient leur professeur. Edma et Berthe parviennent à exposer quelques œuvres au Salon, haut lieu de la peinture française mais la grande rencontre de la vie de Berthe restera celle d’Edouard Manet, en 1868, qui lui ouvrira de nouvelles perspectives. Elle en sera à la fois la muse et l’élève. Edma se marie un an plus tard, délaissant la peinture quand Berthe s’y donne corps et âme. On connait peu ces œuvres de jeunesse car elle les a en grande partie détruite mais dès 1874, elle rejoint le salon des Indépendants, mené par Claude Monet et Auguste Renoir ; l’impressionnisme fut d’ailleurs le premier courant artistique français à inclure une femme dès ses premières expositions. Cette même année, elle épouse le frère de son mentor, Eugène Manet, liant définitivement sa vie à ce monde artistique auquel elle rêvait tant d’appartenir.
Le Berceau, Berthe Morisot - 1872

Berthe Morisot a longtemps été considérée comme une peintre impressionniste mineure du fait de ses sujets : intérieurs, jeunes filles aux tenues vaporeuses, paysages champêtres. Les femmes n’avaient en effet  que peu de lieu accessible sans chaperon. Pourtant, ses pairs impressionnistes la considéraient complètement comme l’une des leurs, vantant son coup de pinceau, « cet effleurement qui donne tout »1 pour citer Paul Valéry. Sa peinture tend vers l’économie de moyen, rendant parfaitement la fugacité de l’instant, « fixer quelque chose de ce qui se passe »2 .  A sa mort, en 1895, les témoignages élogieux de ses amis peintres abondent,  pourtant les critiques artistiques mettront près d’un siècle à la reconnaitre comme appartenant pleinement au courant impressionniste et non pas seulement comme une simple élève de Manet.

Le musée Marmottan Monet à Paris
Maud
  1. Paul Valéry, « Au sujet de Berthe Morisot », préface au catalogue de l’exposition, Paris, Musée de l’Orangerie, été 1941.
  2. Carnet de notes de Berthe Morisot