Le
confinement, la crise sanitaire et l’écrit
« Témoins de la marche du monde, les auteurs consignent
leur époque. La solitude et l'enfermement guident nombre d'entre eux. La crise
actuelle s'inscrira-t-elle durablement dans leurs œuvres ? » C’est la question
que se pose Laëtitia Favro dans son article paru le 15/04/2020 sur le JDD.fr.1
« S'il est un métier pour lequel la claustration semble une
condition intrinsèque, c'est celui d'écrivain, cet être qui, pour Hemingway, accomplit son œuvre dans la solitude,
rivé à son écritoire dès la promotion de son dernier ouvrage achevée », nous
cite la journaliste.
Écrit-on pour autant de la même manière quand on s’isole
par choix, qu’on est en captivité ou, comme en ce moment, en confinement imposé
? Laëtitia Favro nous donne une liste
non exhaustive d’auteurs qui ont tous, à un moment ou un autre, écrit en
captivité, témoignant que de cet état, peuvent naître de grands textes : Jean
Genet, Oscar Wilde, le marquis de Sade, Villon, Thoreau, Apollinaire et
Dostoïevski. Parce que l’enfermement « réduit les tentations et contraint le
corps à l'immobilité, l'interdiction de circuler encouragerait ainsi plumitifs
débutants ou confirmés à s'atteler à la tâche » nous explique-telle.
Mais ce n’est pas si simple. Beaucoup d’auteurs vous le
diront, pour écrire, il ne faut pas seulement s’isoler. Non, il faut aussi
réussir à se centrer sur soi-même. Et pour cela, il faut avoir « la tête à ça
». Dans le processus d’écriture « l’enfermement » dans un lieu géographique ou
sur soi-même est en effet souvent nécessaire. Mais il est tout aussi important,
pour la fiction par exemple, que la personne arrive à suffisamment « lâcher
prise » du quotidien, pour que son esprit puisse s’évader et libérer son
énergie créatrice. Or en temps de crise, comme celle que nous vivons, rien
n’est moins simple.
Vous l’aurez constaté, la tendance depuis le début du
confinement est à l’écriture d’un journal. La presse a sollicité des auteurs à
rédiger leur journal de confinement. Et la journaliste nous rapporte le
ressenti de deux écrivains :
-
Marc Lambro pour qui cet exercice2 a
été « un réflexe photographique, centré au jour le jour sur la perception d’un
évènement collectif ». Et, en soulignant l’importance des « circonstances exceptionnelles
qui appellent l'empreinte, la constitution d'archives », il évoque Victor Hugo.
-
Marie Darrieussecq, qui avoue qu’elle se «
dépense avec cet article3 un peu comme on fait un footing ». Et
confie être « trop distraite » pour continuer à travailler sur son projet de
livre en cours : « J’essaie d’écrire ; angoissée, déconcentrée ».
À contre-courant de ces commandes, Laëtitia Favro cite
l’initiative sur le Net, de l'écrivain et réalisateur Xabi Molia, qui lui,
raconte, à partir de photographies envoyées spontanément, le quotidien reclus
de quelques anonymes dans le « Journal extime »4.
Tous ces témoignages s'inscrivent dans l’instant présent.
Mais qu'en sera-t-il des écritures de demain ? La journaliste nous rapporte que
dans une interview sur France Inter le 20 mars, Sylvain Tesson affirmait « on
est en train de vivre un moment qui inspirera beaucoup les écrivains […], un
moment de rencontre assez rare entre le monde extérieur et le monde intérieur
».
Du côté des maisons d'édition, tout est bien évidemment
bouleversé. Et Laëtitia Favro nous rapporte qu’il est même un livre dont la
fabrication a été interrompue juste à temps, et pour cause. Il s’agit de Les Vingt Premières Années du XXIe siècle
vues par vingt écrivains qui propose un état, grâce à la fiction, de ce
début de siècle en débutant avec les attentats du 11 septembre 2001 et qui
aurait dû se terminer sur une nouvelle d’anticipation écrite par Nicolas Cano.
Mais, afin de ne pas se voir reprocher de ne pas avoir parlé de cette crise
sanitaire dans le chapitre 2020, le dernier du recueil, l’éditeur Charles
Dantzig a demandé à l’auteur de bien vouloir proposer un autre texte. Nicolas
Cano s’est donc remis au travail et a écrit une autre nouvelle en se saisissant
du mythe d'Antigone et du motif des funérailles impossibles…
La journaliste en profite d’ailleurs pour souligner la
troublante coïncidence concernant ce même écrivain qui publiait en mars 2019 La Séquestration, l'histoire d'un homme
retenu prisonnier dans une pièce blanche, sans fenêtre, avec pour tout
compagnon un ordinateur et son accès illimité à Internet. Et elle nous rapporte
ses propos amusés : « Même si la cause de l'enfermement diffère, je me retrouve
à partager avec mon personnage des sensations que je ne pensais pas
expérimenter un jour. » Eh oui…
L'après prend pour l'heure la forme d'un point
d'interrogation. Les lecteurs se détourneront-ils des sujets anxiogènes en leur préférant
plus de légèreté ou chercheront-ils au contraire à décrypter la crise globale
dont ils auront été les témoins ?
L’avenir nous le dira. Mais il est clair que les éditeurs
se penchent déjà sur la question et certains auteurs seront forcément inspirés.
Sabine
29/4/2020
Sources : 1 Laëtitia
Favro, lejdd.fr https://www.lejdd.fr/Culture/Livres/comment-le-confinement-vabouleverser-la-litterature-3961507
2 Marc
Lambron Le Journal du
Dimanche (possibilité
de s’abonner gratuitement pendant 2 mois). 3 Marie Darrieussecq Le Point, https://www.lepoint.fr/culture/marie-darrieussecq-nousplanquons-au-garage-notre-voiture-immatriculee-a-paris-19-03-2020-2367952_3.php 4 Xabi
Molia Ses Chroniques des vies lointaines sont
à lire ici (nouvelobs.com)
Ecrire :
Si vous aussi vous écrivez un journal de confinement et que
vous voulez le partager, sachez que la commune vous propose le jeu concours : Mon journal du confinement.
Et pour celles et ceux adeptes des ateliers d’écriture,
nous vous rappelons que Sylvie Chauvet, animatrice des ateliers proposés
régulièrement à la bibliothèque, vous propose des petits défis, +infos sur le site de la bibliothèque.
Lire :
Pour celles et ceux dont le plaisir de la lecture n’est pas
trop trop parasité par l’actualité, voici des liens qui vous donnent accès à de
nombreux ouvrages en téléchargement gratuit :
1. Pour
les offres de livres numériques :
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/confinement-les-editeursoffrent-des-livres-pour-ne-jamais-manquer-de-lecture/100064
https://livre.fnac.com/n309183/Tous-les-Ebooks-gratuits (parmi
lesquels j’ai trouvé quelques-uns des auteurs cités)
Et dès sa réouverture, vous pourrez trouver à la bibliothèque
la plupart des auteurs cités dans l’article de Laëtitia Favro. Vous avez aussi
la possibilité de les réserver en ligne dès aujourd’hui. Nous serons ravies de
vous les mettre de côté à notre retour. Pour n’en citer que quelques-uns et en
piochant dans nos diverses sections :
BD
|
JE, François Villon T.1 et 2 - Luigi Critone - Delcourt
|
BIOGRAPHIE
|
Walden – Henry D. Thoreau - Orbit
|
ESSAI
|
Notre-Dame de Paris Ô Reine de douleur - Sylvain Tesson - Equateurs
|
LITTE. ITALIENNE
|
Le Décaméron - Boccace - Bordas
|
LIVRE EN ANGLAIS
|
The Canterville ghost and other stories - Oscar Wilde - Heinemann
|
POESIE
|
Calligrammes - Guillaume Apollinaire - Gallimard
|
ROMANS
|
Le vieil homme et la mer d’Ernest
Hemingway / L’Idiot de Dostoïevski
Fedor / Chanson douce de Leïla
Slimani aux Editions Gallimard La mer à l’envers - Marie Darrieussecq
- P.O.L.
Dans un avion pour Caracas - Charles Dantzig - Grasset
|
ROMAN POLICIER
|
Aux animaux la guerre - Nicolas Mathieu - Actes Sud
|
THEATRE
|
Les Bonnes - Jean Genet - Gallimard
|
Et j’ai envie de rajouter deux auteurs dont les ouvrages
sont aussi à la bibliothèque :
ROMAN ADO Le journal d’Anne Frank - Anne Frank -
Calmann-Lévy
BIOGRAPHIE Le Scaphandre et le papillon -
Jean-Dominique Bauby - Laffont